De prime abord, la ferronnerie est une pratique un peu mystique et spectaculaire qui évoque le feu, le bruit, la force, la chaleur, le dur labeur.

Pourtant derrière cette première impression un peu caricaturale se cache en réalité un métier plein de magie qui fait appel aux sens pour donner vie à toutes sortes d’objets.

Un métier incontournable dans le paysage du design contemporain.

Comme l’ébénisterie, la ferronnerie fait partie des quelques deux cents métiers d’art qui se sont développés au fil des siècles. 

Si l’ébéniste s’occupe du bois, le ferronnier lui s’occupe du métal. Le métal sous sa forme ferreuse : acier, inox, fer, fonte, aucun échappe aux outils et aux mains du ferronnier. L’enclume et la forge sont ses deux outils incontournables. 

Le feu est aussi un élément essentiel. Il lui permet de ramollir le métal pour mieux le travailler.

L’enclume, la forge, le feu… les éléments essentiels du ferronnier d’art

Le ferronnier fait appel à tous ses sens pour donner forme à un morceau de métal.

En effet, la ferronnerie repose beaucoup sur l’intuition. Si il y a des techniques très précises à suivre et des coups de mains à prendre (cintrage, forge, martelage, étampage, brasure, sertissage, etc.), il y a aussi une forte part de ressenti dans le façonnage d’une pièce. La vue, l’ouïe, l’odeur, le toucher sont à fleur de peau lors des différentes étapes de réalisation. Ils permettent au ferronnier de sentir s’il est sur la bonne voie. La technique, elle, est là pour l’orienter en fonction de son ressenti. Le métal a trop chauffé, il convient donc de le laisser refroidir avant de le marteler, au contraire il n’est pas assez chaud, il faut donc le remettre dans la forge. Une véritable symbiose se crée entre le ferronnier et son bout de métal dès le début d’un travail jusqu’à son aboutissement. 

Rampe d’escalier du célèbre ferronnier Raymond Subes (1893-1970)

La ferronnerie demande aussi de la précision et de la méticulosité. Lors du cintrage d’une pièce par exemple, il faut savoir respecter l’angle voulu par le créateur. Souvent, le ferronnier travaille à partir de plans précis qu’il doit suivre au mieux pour ne pas dénaturer le projet initial.

Il faut également être rigoureux car les pièces de ferronnerie se fabriquent petit à petit et il faut pouvoir garder son énergie et sa constance tout au long du processus de fabrication. Il faut aussi être capable de gérer plusieurs choses à la fois car la réalisation d’une pièce demande bien souvent l’utilisation de plusieurs techniques simultanément. 

Il y a par ailleurs tout un travail de finition qui s’impose au fur et à mesure de l’avancement du travail, émaillage, martelage, polissage, patinage…

Lorsque les finitions requièrent un savoir-faire trop précis, le ferronnier s’adjoint les services de confrères spécialisés: un sculpteur, un émailleur, un graveur sur métal…

Console avec piètement en fer forgé par Gilbert Poillerat (1902-1988)

Les champs d’application du ferronnier sont variés. Il travaille toutes sortes de pièces, de la plus petite à la plus monumentale.

Ses commandes les plus fréquentes sont des rampes d’escaliers, des portiques, des portes d’entrées. Le ferronnier collabore aussi beaucoup avec des architectes et des designers sur des projets comme des luminaires, des piètements de tables, des consoles.

Ainsi, l’éditeur de design Pouenat s’est spécialisé dans la production de pièces de designers uniquement en ferronnerie.

En remontant un peu plus loin dans l’histoire du design, autour des années 1930-50 le fer a été très utilisé par les créateurs «modernistes» (voir l’article sur le modernisme) qui n’hésitaient pas à expérimenter ce matériau nouveau pour l’époque. Jean Prouvé en fit son credo. Mais aussi Pierre Chareau, Marcel Breuer, Mies van der Rohe, Le Corbusier et bien d’autres encore.

London Papardelle, ferronnerie contemporaine. Ron Arad 1992

De nos jours, les ferronniers doivent s’adapter à des demandes de plus en plus spécifiques de la part des designers. La chaise London Papardelle du célèbre designer londonien Ron Arad a dû demander un travail unique pour voir le jour, faisant appel à des techniques ancestrales tout en contraignant le ferronnier à en improviser de nouvelles. Toute de maille d’acier tressé, cette chaise a dû être un travail passionnant à réaliser, allant au-delà de la simple application de règles apprises.

Le ferronnier, cet artisan de haut niveau qui manie le fer pour lui donner forme doit savoir dépasser la simple technique pour donner vie à des objets de plus en plus sophistiqués. C’est aussi ce qui fait la richesse de cette pratique qui s’invente au jour le jour au gré des projets.